devient sentier, et non des meilleurs ! qu’il se mette à pleuvoir, et ce sera un torrent d’argile, un tobboggan de boue, mieux vaut ne pas y penser. Le premier village rencontré est du type toraja, mais vivant, cette fois-ci, et des dizaines de gamins nous font un accueil endiablé et bruyant. Nous trouvons lâchement refuge chez la charmante institutrice, qui de surcoît nous offre le thé. Martine. Nous repartons bien ragaillardis par cette collation, et escortés sur plusieurs centaines de mètres par les gamins du village que les admonestations de Martin n’impressionnent guère. Le sentier se poursuit, très étroit et souvent pratiqué sur la digue qui sépare deux rizières à flanc de montagne. Une heure de marche plus tard, nous parvenons enfin au village, ou plutôt au groupe de maisons où doit se dérouler la cérémonie funéraire que veut nous montrer Martin. Cinq maisons alignées font chacune face à leur grenier à riz traditionnel très décoré. La maison principale est ornée, comme il se doit, des cornes de buffles sacrifiés lors de nombreuses cérémonies. Le nombre et la dimension des trophées montre assez l’opulence de la famille… On nous offre à nouveau le thé, et on nous installe confortablement sur une natte de bambou dans l’espace réservé aux visiteurs. Beaucoup de monde, beucoup de mouvement pour la préparation des festivités : tout le monde met la main à la pâte. On construit des abris, on aménage le lieu du sacrifice. L’habileté des hommes et l’omnipotence du bambou nous laissent pantois : en quelques instants le magique végétal devient poteau, plancher, cloison, échelle, lien… Gérard Le bambou , comme disait Claude (mon père, natif du Tonkin), est vraiment un matériau incomparable : brut, c’est une poutre flexible, légère et résistante, armature d’une maison, d’un pont, une claie de portage ; tronçonné, il fournit tous les récipients usuels dont les fameux tubes de vin de palme ; fendu en deux dans la longueur, il devient une impeccable conduite d’eau ; ouvert et étalé il devient plancher ou cloison. Percé d’orifices à la taille du gros orteil il forme une échelle à cocotiers ; l’écorce fournit cordes et liens, tressée elle devient nattes… J’en oublie ? Nous observons toute cette industrie qui ne nécessite qu’une simple machette, en essayant de deviner ce qui se trame. Nous sommes conviés à rendre visite au défunt, qui est considéré comme malade tant que la cérémonie n’est pas prête, et nourri jusqu’à l’abattage du premier buffle. Mais le rythme est fort lent, tandis que s’amoncellent les nuages équatoriaux. Martin, expert, déduit des préparatifs que la fête sera moins importante que prévu. En début d’après midi on extrait d’une case, par la porte minuscule (80 cm de haut, 50 de large) une vieille dame fort mal en point ; en quelques minutes on lui improvise une chaise à porteurs en bambou. La construction et la décoration avancent quand tombent les premières gouttes. Cirés sur le dos, nous redescendons péniblement sur le chemin gorgé d’eau, en croisant les nombreux invités endimanchés, portant
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