à travers la figure, je suis déjà réveillé depuis une heure, et j'ai mal partout. Je renonce à contre-coeur à me taper 5 heures de route défoncée. La
journée sera donc consacrée à la visite approfondie de Bamiyan et de ses environs, à la photo si possible. Donc déjeuner pain et miel, puis on
attaque les grands Bouddhas avant la chaleur. Ils sont immenses (53 mètres pour le plus grand), taillés dans de la courge, une sorte de
poudingue de pierraille et de terre rouge. Les camarades étaient vêtus d'une toge de stuc fixée à des chevilles enfoncées dans leurs corps ; il en
reste des morceaux. Ils avaient le visage doré et le corps bleu ; ils devaient flasher ! Le plus grand est maintenant ruiniforme, la face aplatie, les
mains arrachées, mais demeure fort impressionnant.
Nous visitons les grottes qui criblent la falaise, sculptées et décorées ou grossières et nues suivant la fonction qu'elles avaient.
{Rétrospectivement, c'est assez émouvant, comment alors imaginer que l'aveuglement conduira à détruire ces vestiges historiques quelques 30
ans plus tard ? La bêtise humaine n'a pas de limites... et nous n'avons pas de leçons à donner à quiconque en la matière!}
Puis on grimpe la colline et on visite au passage la galerie vertigineuse qui fait le tour de la tête de Bouddha et permet même de
monter dessus. Du sommet, la vue est magnifique sur les vallées fertiles, les cultures, les collines arides, et tout au fond les sommets lointains,
enneigés, grandioses. On discute sur la possibilité des gravir, sur leurs altitudes, leur position... réflexe alpin. Puis on descend manger à
« l’Istanbul », et je vais me reposer. Le patron fait la gueule parce qu'on n'a pas mangé chez lui. Là dessus arrivent Monique et François qui
partageront notre piaule à 60 Afgh. Martine et eux deux partent à l'assaut de l' « hôtel des yourtes », puis rejoignent Guy sur la colline aux
Bouddhas pour faire des photos. Le soir, rebelote à l’Istanbul où l'on a de la peine à se faire comprendre... en tous cas, on nous sert
invariablement les mêmes choses ! Toujours aussi crevé, je vais dormir tandis que les autres vont se gaver de musique afghane.
Jeudi 1° juillet 1976, Kabul, Gérard.
Nous attaquons juillet de bonne heure. Ce sera sans doute le dernier mois de notre épopée. Tandis qu'à bord d'un camion chamarré Guy lève
l'ancre pour Band-i-amir, on découvre que le minibus pour Kabul est plein, et qu'il faut maintenant payer 150 Afgh. Pour partir en taxi, bien
contents de ne pas rester sur le carreau. Et c'est à nouveau l'incomparable paysage, les fermes fortifiées, les cités rouges, les cultures qui me
rappellent celles de Hautes Alpes, irriguées de canaux à flanc de montagne. Puis aussi les amples chaînes caillouteuses, les rangées de trembles
et de frênes, les sentiers que l'on voudrait parcourir. Mais aussi la poussière, l'inconfort, les sièges étroits, les passagers qui vomissent, écœurés
de virages... les repas et les pauses café se prennent aux mêmes relais qu'à l'aller, puis on rejoint la plaine.
À 14 h 30 nous voilà de retour à Kabul où le taxi nous abandonne on ne sait où. Nous finissons par retrouver notre hôtel, toujours aussi miteux,