Pas d’hôtel à Ubud ; nous devrons donc rentrer à Kuta nuitamment après la fin de la fête.
A 5 h commence une procession où les femmes ont revêtu leurs plus beaux vêtements et leurs plus beaux bijoux, et portent sur la tête de
magnifiques offrandes. Qui d’ailleurs resserviront pour le repas du lendemain après avoir été bénies par un prêtre… Ces échafaudages rivalisent
de couleur et d’ingéniosité. Se superposent des fruits, des gâteaux, des friandises de toutes formes. Cela va des plus modestes aux pyramides
d’un mètre de haut placées dans des plats d’argent ouvragés.
Revêtus de la ceinture traditionnelle, nous pénétrons dans la seconde enceinte du temple. Les offrandes sont disposées, puis viennent les
chants, les formules rituelles et bénédictions. Les hommes portent un bandeau sombre brodé d’argent, ou une curieuse toile blanche enroulée
sur la tête. Nous partons alors pour une procession qui, en plusieurs heures de marche, doit nous mener au lieu de la danse rituelle. La marche
dans la nuit équatoriale, entre rizières et villages, dans le chant sonore et lancinant des crapauds-buffles, ne manque ni de charme ni de
mystère.
Autour du lieu de la danse se sont amassés marchands et sorciers ; on peut acheter à boire et à manger, mais aussi des ingrédients non
identifiables et inquiétants. Un vieux monsieur à barbiche, assis au sol très droit et très digne, a sorti d’un grand sac des fioles et des bocaux
assez louches et peu engageants : serpents, pattes de crapauds, boyaux divers baignant dans des liquides huileux. On nous explique ce qui
soigne les mlaux d’estomac, les rhumatismes… Les jeunes semblent sceptiques et amusés.
Les offrandes sont encore plus extravagantes qu’au départ, extraordinaires d’habileté. Nous flânons. Vers 11 h la danse commence, précédée
d’un long prélude du gamelan. Se succèdent plusieurs tableaux : danseurs aux masques démoniaques affublés de faux-nez ; jolies danseuses. Ils
récitent et chantent de longues histoires, certainement édifiantes, d’une voix suraigüe coupée de trémolos qui ne sont pas sans rappeler les
bêlements du mouton… On se presse, on nous bouscule pour être plus près du spectacle. Ici, la « distance de respect » n’est pas celle de
l’Europe ! {Et encore, la Covid19 n’avait pas encore fait son apparition en Europe !}
Gérard
Avec Philippe, j’entrecoupe le spectacle de parties de dés indonésiens où je perds 25 rp. On s’assoit aussi, car l’interminable position debout,
sans cesse dérangés, est fort pénible. On ne comprend pas tout, et c’est bien dommage, car les gens se marrent bien. Narration, gestes fort
expressifs, plus libres qu’au Ramayana, et les coups de bâton parfois assénés pour de bon !
Vers 1 h, il commence à faire sommeil, et nous entammons le retour. Je redoute la pluie, mais en moins d’une heure nous sommes à Ubud sans
une goutte, après une marche dans les rizières mystérieusement éclairées par la lune, dans la vibration immuable des crapauds-buffles. Je
retrouve la petite Honda, qui démarre docilement, mais la Suzuki de Philippe se fait tirer l’oreille (ah ! le 2 temps…) un quart d’heure. Puis elle