Puis il est temps de s’offrir un petit déjeuner : nous retournons au restaurant découvert hier midi, qui semble être un repaire des castes
supérieures. On nous y regarde de haut, mais on s’en moque, nous sommes des enfants de mai 1968.
Revigorés, on part à l’aventure dans les petites rues, et là, comme la veille, le spectacle est incroyable, et l’atmosphère aussi. On prête peu
attention à nous, et l’ambiance est détendue. Nous retrouvons le crématorium et le jeune homme sympathique (le « watchman »), qui discute
longuement avec nous, nous introduit au mystère des « sadous », nous apprend à distinguer les vrais des copies, nous conduit à un petit temple
où l’on en voit d’authentiques… Et pour finir nous demande, lorsque nous serons rentrés en France, de lui expédier des magazines légers : Play-
boy, Penthouse… Pas sadou pour une roupie, lui !
Après quelques bons jus de citron, nous retournons nous doucher. Repas à l’hôtel en compagnie de deux français bizarres qui partagent une
chambre pour 16 rps, et se sont fait attaquer à Delhi par un autre français… Tant que ça reste entre coreligionnaires ! Vers 15 h nous retrouvons
Ramesh qui nous conduit à une lutherie spécialisée en sitars. Je me laisse enfumer par un vendeur à fort bagout, prêt à jurer n’importe quoi
pour emporter l’affaire. En l’occurrence, prêt à jurer que pour 15 $ je l’expédie chez moi par avion depuis Delhi. J’achète donc un magnifique
engin pour la modique somme de 470 rps, un peu moins encombrant que le « gaffophone » cher à Gaston Lagaffe (pas tout à fait fini
cependant, la sculpture de tête de manche n’est pas faite). Il m’improvise une magnifique caisse en contreplaqué pour le transport. {40 ans plus
tard, j’ai encore ce bel instrument de musique, qui de déménagement en placard a subi pas mal d’avanies, a manqué être dévoré par les chirons,
et dont la caisse de résonance a explosé lors d’une chute… J’ai tenu cependant à le réparer et à le sauver, en souvenir du périple fait en
commun). A 5 h ½, nous passons prendre livraison, après moult hésitations, et à 6 h voici la gare. Tout se passe sans la moindre anicroche une
fois de plus, et à 9 h nous scions du bois sur nos bas-flancs… de bois un peu raides. Non sans avoir eu quelque peine à caser tout notre barda
(dont le cher sitar, mais après tout on croise bien des australiens accompagnés de leur planche de surf !). Quelques discussions avec des voisins,
dont l’un nous demande si en France les études se font en anglais… Un australien, qui lit la version anglaise d’Astérix semble étonné que « ça
ait été traduit en français »… Jamais à court de surprise, avec les anglo-saxons !
Lundi 21 juin, Delhi, Martine
Heigh Palace hôtel, Connaugh place, 32 rps pour une petite chambre à deux lits.
La fin de matinée nous paraît bien longue, puisque ce n’est finalement que vers 11 h ½ que nous parvenons à New Delhi A la gare, nous n’y
sommes pas encore accoutumés, une foule énorme et agitée. Arès les rituelles discussions de tarifs, nous embarquons dans un rickshaw qui
s’avère ne pas être un bon choix, car il est d’une lenteur incroyable (le pauvre, ce n’est pas nous qui pédalons) ; et comme il n’est pas motorisé, il
n’a pas l’autorisation de s’aventurer sur la Cannaugh Place. Non mais ! C’est donc pincibus que nous terminons le trajet, sac à dos à l’épaule,