Vendredi 18 juin, Bénarès (c’est quelque chose !), Martine. Hôtel Puspanjali, 26 rps , bien. A 6 h ½ commence une journée qu’on croît sereine, et qui sera fertile en événements. Un rickshaw nous amène à la frontière, où les formalités sont rapides et assez bidon. Le douanier népalais, après nous avoir jeté un regard distrait écrit à la rubrique adresse : Tizi-ouzou France (où a- t-il pris ça ? sur un visa d’Algérie ?). Le douanier indien, lui, prend sa douche. On le comprend. Nous attendons en contemplant le flux ininterrompu de vélos de vaches, de piétons, de camions, qui s’écoule dans les deux sens devant le poste. Formalités achevées, il faut avancer : mais de bus pour Bénarès, personne n’a entendu parler. On finit tout de même par en dégotter un, mais vraiment pourri. Et vers 9 h ½, on démarre enfin, poussés par des passants. Ce bus, une fois n’est pas coutume, est presque vide. Commence alors un invraisemblable gymkhana entre les poules, les nids de poules, les chars à bœufs et les vaches sommeillant sur la route. 2h ½ plus tard, nous voilà à Gerakhpur. On s’achète quelques bananes, on engloutit un coca, on visite les toilettes plutôt répugnantes, grouillantes de vers, et on rembarque. Le bus s’est rempli. Le démarrage (à la poussette toujours) est plus laborieux que la première fois. Le bus est très inconfortable, mais il ne s’arrête pas trop souvent. Aussi ferait-on une bonne moyenne si le chauffeur, pour prendre son « lassi », n’avait pas l’imprudence d’arrêter son moteur. Et cette fois, macache démarrage. On descend donc tous pour pousser. Les prolos d’abord, puis par classes ascendantes, les supposés Brahmanes condescendent… à descendre et s’y mettent aussi. Beaucoup d’ailleurs font plutôt semblant de pousser. Mais ça ne marche pas. Un autre bus nous prête alors main forte, et pare-chocs contre pare-chocs tente l’impossible. Mais rien n’y fait. La désertion s’installe, et les passagers partent avec leurs balluchons à la main. Nous lions connaissance avec une noce musulmane ; brassards rouges et mains colorées au henné. Eux ne s’inquiètent pas et sont certains qu’un autre bus viendra nous sauver. Au bout d’ une heure et demie, il en vient un, en effet. Mais plein à craquer déjà. Qu’à cela ne tienne ! On nous entasse (une trentaine) en surnombre, nous sommes 6 dans l’habitacle du conducteur qui râle comme un pou. Ça dure un bon ¼ d’heure, pire que dans un bus de Bangkok, puis le car se vide (on ne comprend jamais les raisons !) et on peut s’asseoir. Vers 5 h ½, terminus dans un bled, et coca- cola bienvenu. L’attente se prolonge, et nous donne le loisir de détailler les propagandes du « planning familial local ». L’Inde d’Indira Gandhi est engagée dans une bataille pour la dénatalité. {on accusera d’ailleurs le gouvernement d’avoir fait stériliser de force des hommes et des femmes. Voir l’article : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1969_num_24_2_13861 }. Les affiches montrent une joyeuse famille indienne souriante composée comme une famille américaine, avec deux jolis petits enfants : une maman avec son petit garçon, et un papa avec sa petite fille. Tout près de nous, il y a un sadou mendiant et beaucoup de curieux qui nous regardent. Vers 7 h ½ (du soir), ruée vers le bus de Bénarès où l’on parvient à se dégotter deux sièges. Séparés. Alors commence un long voyage dans la nuit, où l’on croît ne jamais arriver. Traversée de rizières, croisements laborieux, contrôles (état d’urgence exige), arrêts inexplicables et