Nous repartons enfin, et le paysage est toujours aussi chouette, avec en fond d'écran, courant du nord au sud, une série de montagnes de plus
en plus élevées dont les plus lointaines sont déjà (ou encore vu la saison) recouvertes de neige. Déjeuner appétissant de brochettes de mouton
sur galette afghane, et on repart. Là, le paysage devient dément : montagnes arides aux courbes douces, avec la rivière Kabul coulant tantôt
au fond d'une vallée verdoyante, tantôt au travers de gorges encaissées en un long ruban turquoise. Nous buvons sans cesse, tant l'air est
desséché.
Puis vers 16 h 30, c'est l'arrivée à Kabul, sur la place centrale. Aussitôt une nuée de coursiers tentent de nous traîner vers « leur » hôtel. Nous
en choisissons un qui en une petite demi-heure (!) nous conduit à un hôtel assez sympa, tranquille et bon marché (le bon choix, au pif). Là (est-
ce une chance ou pas?) nous retrouvons pas mal de concitoyens ; il est vrai que l’Afghanistan est devenu l'une des destinations fétiches de
français depuis les récits de Kessel en 1968. Il y en a deux couples fort sympathiques. On retrouve Guy pour manger à la « Little Lanterne »,
ordinaire et assez cher. Ce n'est pas ce soir que nous verrons les nuits de Kabul.
Dimanche 27 juin 1976, Kabul, Martine.
Lever tardif, déjeuner de croissants et thé dans le jardin de l'hôtel avec Guy et les français de l'hôtel.
Banque (on sait jamais!), puis balade dans le centre de Kabul et les rues commerçantes de la « ville afghane », car le quartier neuf où les
étrangers sont parqués ne regroupe que les commerces pour touristes. C'est fort intéressant. Curieusement, la ville ressemble aux villes
sahariennes : l'atmosphère voilée de sable fin et desséchante nous les rappelle sans cesse. Les maisons de terre escaladant les premières pentes,
les montagnes arides et neigeuses à l'horizon fond un décor grandiose à cette ville plutôt terne. Les Afghans sont accueillants et l'ambiance
générale semble plutôt décontractée, « cool » comme on commence à dire. {Ce qui, rétrospectivement semble assez surprenant, compte tenu
des convulsions que le pays vient de traverser. Sans parler de celles qu'il se prépare à affronter pour des décennies, et dont les prémisses sont
pour nous impalpables...}
Repas au steak-house : de très honnêtes spaghettis à la tomate : nous sommes bien sur la piste des routards !
Lundi 28 juin 76, Kabul, Martine
Lever toujours tardif, et discussion prolongée avec un français poète (selon lui), professant un individualisme forcené. Il est tout de même assez
sympa et touchant, et nous fait lire ses écrits nés sous l'emprise de la drogue (c'est pas de jeu), et ils sont ma foi pas mal du tout. Tout ça dans
l'intention de nous démontrer que la drogue peut décupler certaines possibilités cachées des individus... (pas révolutionnaire, comme idée!).